Elias est somnambule depuis la plus tendre enfance. Aujourd’hui âgé de 34 ans, ses « symptômes » ne faiblissent pas et perdurent contre vents et marées.
Elias, tu as quelques cernes, comment tout cela a-t-il commencé ?
Aucune idée, difficile d’analyser la situation au plus jeune âge mais les témoignages de mes parents sont éloquents. Il y a cet exemple frappant qui me revient à l’esprit : un jour, j’ai déboulé dans le salon pendant le film du soir. J’ai débranché le téléphone puis je l’ai posé sur la cuvette des toilettes. Il m’est également arrivé de me réveiller dans le jardin. J’avais sûrement envie de prendre l’air…
Rien n’a changé aujourd’hui, qu’est ce qui engendre cela ?
Le stress, l’angoisse, les frustrations, les causes sont multiples mais très différentes selon les cas. Je parle régulièrement la nuit souvent avec agressivité. Les propos sont presque incompréhensibles, peut-être une langue morte (rires). Je répète souvent les conneries que j’ai dit dans la journée et quand tu dors avec ta copine, tu as droit à un interrogatoire au réveil.
Le stade 2, sans mauvais jeu de mots, est de me lever, de faire le tour de l’appartement avant de me recoucher en silence, un véritable zombi pacifique ! Il m’est même arrivé de m’assoir avec des potes qui buvaient une dernière bière au coin du feu et de participer à la discussion. Et je pense que le fou rire engendré restera mythique. Certains ont une double vie, moi j’ai une double nuit, chacun son style.
On dit qu’il ne faut jamais réveiller un somnambule, je suppose que tu y as déjà eu droit
C’était il y a quelques années, je faisais un cauchemar. J’observais une grande fenêtre ouverte, il y avait une petite brise qui secouait les rideaux. Je voyais un monstre effrayant avec des yeux d’une noirceur abyssale. Il ressemblait à la créature créée par David Lynch dans Mulholland Drive. Affreux !
J’ai hurlé et me suis jeté sur ma copine de l’époque, puis j’ai attrapé le premier bouquin venu et tiré en direction de la bête (dans mon rêve bien sûr). Il y a eu un bruit étourdissant. Le livre s’était écrasé sur un meuble à deux cm de son ordinateur. Elle m’a réveillé très brusquement, j’ai cru étouffer et faire une crise cardiaque. Mon coeur faisait un véritable moonwalk dans ma poitrine, J’ai bien cru que ma dernière heure était venue. Et je pense que l’assurance n’aurait pas compris l’objet du sinistre…
Tu es donc victime de terreur nocturne ?
Oui, le somnambulisme peut être intimement lié aux terreurs nocturnes. Il m’est arrivé de quitter l’appartement car je pensais que quelqu’un voulait m’assassiner. Les hallucinations sont vraiment très diverses. J’avais parfois l’impression de voir des morts déambuler dans ma chambre à l’image de ceux œuvrant dans le film 6ème sens…
As-tu déjà mis ta vie en jeu ?
J’ai déjà ouvert une fenêtre avant d’être (encore une fois) réveillé au moment fatidique. Allais-je sauter ? Aucune idée, je n’ai aucun souvenir de ce rêve. Mais c’est assez flippant d’ouvrir les yeux et de voir les voitures klaxonner au feu rouge. Mais d’après mes recherches, c’est assez courant que des gens se fassent un petit best jump nocturne. Il arrive que certains conduisent ou se réveillent dans un train. Je ne suis pas le cas le plus extraordinaire, heureusement. Je suis un oiseau ! Je suis un oiseau !
As-tu songé à t’attacher à ton lit ?
Non, mais je pense que ça ferait un scénario idéal de court-métrage. Mon cas n’est pas assez éloquent pour arriver à de telles extrémités. Pour les personnes qui se baladent nus dans la rue, je pense que c’est une option envisageable voire souhaitable. Remarque, un ami m’a avoué avoir pissé dans le frigo familial quand il était ado. Donc les somnambules sont « imaginatifs ». Bizarrement, je n’ai pas encore entendu de cas faisant le ménage ! La praticité, ce n’est pas propre au phénomène (soupir). Ça soulage !
Pour finir, penses-tu qu’un couple de somnambules puisse cohabiter ?
Pourquoi pas (rire). Il pourrait y avoir des collisions dans l’escalier ou une battle d’insultes ! Avec ça, on dépasse facilement le million de vues sur You Tube.
Propos recueillis par Mathieu Portogallo