Les prix de la pomme de terre ont triplé en Algérie. Agriculteurs et gouvernants se renvoient la balle dans ce dossier tandis que la population lutte pour se nourrir décemment, souligne le site World Crunch.
Le géant maghrébin est confrontée à une crise à multiples facettes, l’une des plus graves depuis l’indépendance du pays d’Afrique du Nord en 1962. Les troubles sociaux et économiques bouillonnants se sont combinés à des revendications politiques persistantes qui ont commencé avec le soulèvement du Hirak de 2019 (qui a appelé à la fin du long règne d’Abdelaziz Bouteflika). Mais aujourd’hui, l’urgence est avant tout économique. Cette récession, déclenchée pour la première fois l’an dernier par la chute des prix du pétrole et aggravée par la pandémie de coronavirus, menace désormais des millions d’Algériens.
Et pour cause, les familles subissent de plein fouet une décision prise le mois dernier par l’État à court d’argent d’éliminer les subventions aux produits alimentaires et énergétiques de base, qui s’élèvent à plus de 17 milliards de dollars par an. Depuis le début de 2021, bien avant que d’autres pays ne commencent à être touchés par l’inflation, les prix ont donc augmenté rapidement sur des produits tels que le lait, l’huile, les pâtes et les légumes secs. Le poulet, dont dépendent la plupart des ménages à revenu faible et intermédiaire, est par exemple devenu un luxe difficile à trouver.
Pénurie
Aujourd’hui, les difficultés économiques se mesurent à la pénurie d’un produit de base qui est un ingrédient clé des plats nationaux tels que le tajine ou la chtitha batata : la pomme de terre. En effet, le prix de la denrée a presque triplé sur le marché domestique en quelques mois… Devenant ainsi un symbole de la dégradation de la situation économique du pays, attisant la colère des ménages modestes et enflammant le risque de manifestations de rue.
Comme le rapporte le quotidien panafricain, Jeune Afrique, avec une forte augmentation de 60 dinars (0,43 $) à 140 dinars (1 $) le kilogramme, la pomme de terre a été durement touchée, d’autant plus que le salaire minimum mensuel dans le pays est inférieur à 20 000 dinars (144 $). Cela signifie que pour les citoyens les plus pauvres, une heure de travail ne suffit pas pour s’offrir un kilo de pommes de terre.
Pour tenter de réguler la soi-disant « crise de la pomme de terre », le gouvernement a annoncé le mois dernier la mise en place d’opérations de vente directe de pommes de terre à un prix fixe de 50 dinars le kilo, et a déclaré qu’il commencerait l’importation urgente de l’aliment de base.
Agriculteurs et gouvernants se renvoient « la patate chaude »
Pointant du doigt les autorités locales, les agriculteurs ont identifié deux problèmes principaux à l’origine de ces pénuries : la mauvaise gestion d’une crise de l’eau en cours qui a été considérablement aggravée par la rareté des précipitations. Mais aussi la réduction de 50 % des terres cultivables en raison du manque d’installations de stockage.
De leur côté, les représentants de l’État blâment plutôt les agriculteurs pour la flambée des prix des fruits et légumes, y compris la pomme de terre, affirmant qu’ils ont tenté de manipuler le marché en accumulant l’approvisionnement. En octobre, quelque 840 tonnes de pommes de terre ont d’ailleurs été saisies dans une chambre froide à Boumerdes, quelques jours seulement après la découverte de 600 tonnes dans une ville voisine. Les descentes de police sont donc devenues routinières dans la région.
Alger pointe également du doigt les spéculateurs du secteur agro-alimentaire, accusés de stocker des denrées alimentaires pour faire monter les prix des produits de première nécessité, s’enrichissant sur le dos des simples citoyens.
La spéculation désormais durement sanctionnée
Au final, pour tenter de contenir la situation, l’État a fermé 17 entrepôts de stockage, déclarant que ces chambres froides étaient « illégales ». Suite à cela, un projet de loi visant à criminaliser la spéculation a été adoptée le 1er décembre. Les peines peuvent à présent atteindre jusqu’à trente ans de prison « si le délit concerne des produits de base tels que les céréales, le lait, l’huile, le sucre et les légumineuses ».
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