Alors que le football féminin connaît une croissance spectaculaire à l’échelle mondiale, l’Afrique présente un paysage contrasté, marqué par des avancées prometteuses et des obstacles structurels. Entre le Maghreb, où le Maroc se distingue comme un pionnier avec sa ligue professionnelle, et certaines régions d’Afrique subsaharienne encore confrontées à des difficultés financières et infrastructurelles, le continent cherche à établir une professionnalisation durable. Un récent rapport de la FIFA met en lumière ces disparités, tout en soulignant le potentiel considérable du football féminin africain.
Des progrès inégaux selon les régions
Le Maghreb se positionne comme un leader en matière de développement du football féminin, grâce à des investissements conséquents et une volonté politique affirmée. Le Maroc, en particulier, fait figure d’exemple avec sa ligue féminine professionnelle et ses efforts en matière de formation des jeunes joueuses. Les clubs marocains bénéficient d’un encadrement structuré et d’un soutien fédéral solide, avec des académies qui alimentent progressivement les équipes seniors.
En Afrique subsaharienne, la situation est plus contrastée. Des pays comme le Cameroun, le Nigeria et l’Afrique du Sud disposent de championnats féminins relativement stables, attirant un nombre croissant de joueuses professionnelles. Cependant, dans de nombreux autres pays, le manque de financements et de soutien institutionnel freine considérablement le développement du football féminin.
Les défis structurels
Le rapport de la FIFA intitulé « Déterminer le rythme » (2024) révèle que seulement 45 % des clubs féminins de deuxième et troisième divisions ont accès à des terrains en gazon naturel pour leurs entraînements. De plus, la majorité de ces clubs manquent d’équipements médicaux et de structures de récupération adaptées, ce qui constitue un frein majeur à leur progression.
Le financement reste également un obstacle de taille. Les championnats féminins africains dépendent largement des subventions publiques et des aides de la FIFA. En moyenne, 68 % des ligues les moins développées, dont beaucoup se trouvent en Afrique, reposent sur des financements externes. Cette dépendance limite leur autonomie et leur capacité à se développer de manière durable.
Les joueuses africaines font également face à des conditions salariales précaires. Alors que le salaire annuel moyen des joueuses à l’échelle mondiale s’élève à 10 900 USD, ce chiffre est largement tiré par les grands clubs européens. En Afrique, même dans les championnats les plus avancés, les salaires restent bien en dessous de cette moyenne, ce qui pousse de nombreuses talents à s’exiler vers l’Europe.
Le rôle des sélections nationales
Les performances des équipes nationales africaines sur la scène internationale jouent un rôle clé dans la promotion du football féminin. Le Maroc, premier pays nord-africain à qualifier son équipe féminine pour une Coupe du Monde, a bénéficié d’un élan considérable après sa qualification historique en 2023. Cet exploit a attiré de nouveaux sponsors et investisseurs, renforçant ainsi la ligue nationale.
De même, l’Afrique du Sud, victorieuse de la Coupe d’Afrique des Nations Féminine en 2022, a vu ses clubs locaux gagner en popularité, avec des affluences record dépassant les 60 000 spectateurs. Cependant, un fossé persiste entre les succès des sélections nationales et la fragilité des championnats locaux. Au Nigeria, par exemple, malgré un palmarès impressionnant, la ligue féminine reste confrontée à des problèmes de salaires impayés et d’infrastructures défaillantes.
Les perspectives d’avenir
Pour surmonter ces défis, la FIFA et la Confédération Africaine de Football (CAF) encouragent plusieurs initiatives :
- Développement des académies féminines : seul un quart des clubs africains dispose actuellement d’une académie réservée aux filles. La FIFA insiste sur la nécessité de créer des structures de formation pour jeunes joueuses afin de garantir une relève de qualité.
- Professionnalisation des clubs : l’octroi de licences aux clubs et l’amélioration des contrats des joueuses sont essentiels pour stabiliser les championnats et les rendre plus compétitifs.
- Visibilité médiatique accrue : la majorité des matches féminins en Afrique sont diffusés sur les réseaux sociaux ou des plateformes gratuites, contrairement aux championnats européens qui bénéficient de droits TV conséquents. Une meilleure diffusion pourrait attirer davantage de sponsors et d’investisseurs.
- Engagement des gouvernements et des fédérations : les succès de certaines nations africaines doivent servir de modèle pour encourager des politiques publiques ambitieuses en faveur du football féminin.
Les chiffres clés
- 60 160 spectateurs : record d’affluence pour un match de football féminin en Angleterre, contre 42 326 au Brésil et 38 365 en Allemagne (FIFA 2024).
- 45 % : pourcentage des clubs féminins africains de deuxième et troisième divisions ayant accès à un terrain en gazon naturel.
- 68 % : part des championnats féminins africains les moins développés dépendant d’aides publiques.
- 25 % : proportion de clubs africains disposant d’une académie pour les filles.
- 10 900 USD : salaire annuel moyen des joueuses à l’échelle mondiale, avec des disparités importantes selon les régions.
En dépit des obstacles, le football féminin africain révèle un potentiel immense. Avec des investissements ciblés et une volonté politique renforcée, le continent pourrait bien devenir un acteur majeur de ce sport en pleine expansion.