Tragédie à Mazouna : la Tunisie en deuil et en colère après la mort de trois lycéens

Société Tunisie

L’effondrement d’un mur dans un lycée du gouvernorat de Sidi Bouzid a coûté la vie à trois adolescents. Une onde de choc traverse le pays, où les manifestations s’intensifient pour dénoncer l’état de délabrement de l’école publique.

La Tunisie est sous le choc. Lundi dernier, un drame insoutenable s’est produit à Mazouna, une ville du centre du pays, où un mur s’est partiellement effondré dans un lycée, provoquant la mort de trois élèves âgés de 18 à 19 ans. Un incident tragique qui met en lumière les défaillances criantes des infrastructures scolaires dans des régions longtemps marginalisées.

Mardi dernier, la population en colère est descendue dans les rues pour réclamer justice. Des centaines de personnes, habitants et proches des victimes, se sont rassemblées devant un poste de la Garde nationale, déterminées à faire entendre leur voix. Des scènes de colère ont éclaté : des pneus en feu, des cris de détresse et une dénonciation unanime du laxisme des autorités.

« Nous n’allons pas nous taire », scandait la foule, déterminée à transformer la douleur en combat citoyen.

Une tragédie révélatrice d’un mal profond

Selon Moez Triaa, porte-parole de la Protection civile, le mur s’est effondré alors qu’un groupe d’élèves se trouvait à proximité. Le premier élève a été enterré dès lundi, les deux autres le lendemain. La douleur des familles s’est vite muée en colère collective, d’autant plus vive que l’établissement en question, comme tant d’autres dans le pays, souffre d’un manque d’entretien manifeste.

Mazouna, ville enclavée et marquée par une pauvreté chronique, symbolise l’abandon ressenti par de nombreuses régions intérieures de la Tunisie. Dans une vidéo circulant sur les réseaux sociaux, une habitante résume le désespoir ambiant :

« Nous n’avons ni travail, ni protection, ni rien du tout ! Mazouna est marginalisée. »

Le drame a rapidement pris une tournure nationale. Des voix se sont élevées pour rappeler que l’école publique tunisienne, autrefois moteur d’ascension sociale, est aujourd’hui minée par des années de négligence budgétaire, d’inégalités régionales et de retard dans les travaux d’entretien.

Une réponse politique sous pression

Face à l’ampleur de l’émotion, le président Kais Saied a réagi. Dans un communiqué, la présidence a annoncé que le chef de l’État avait donné « des instructions pour que quiconque ne remplit pas ses devoirs soit tenu responsable ». Il a également appelé à « accélérer les travaux d’entretien nécessaires dans tous les établissements scolaires » et à faire preuve de « prudence à l’avenir pour éviter que de tels incidents douloureux se reproduisent ».

Mais pour beaucoup, ces déclarations arrivent trop tard. La douleur des familles endeuillées et la mobilisation populaire soulignent un sentiment d’abandon général. Ce drame met aussi à nu les failles du système administratif, où la bureaucratie lente et les luttes politiques bloquent depuis des années les investissements nécessaires dans l’éducation et les infrastructures publiques.

L’UGTT monte au créneau

Le puissant syndicat UGTT, très influent en Tunisie, a réagi sans attendre. Mardi, il a appelé à une grève dans tous les établissements scolaires, à la fois en hommage aux jeunes disparus et pour protester contre ce qu’il qualifie d’« échec des autorités à trouver des solutions réelles et sérieuses pour sauver l’école publique ».

Dans un communiqué, l’organisation syndicale a dénoncé une situation qui, selon elle, aurait pu être évitée :

« L’État n’a pas su ou voulu prendre les mesures nécessaires pour sécuriser les établissements scolaires. Ce drame est la conséquence directe d’une politique de négligence et de marginalisation. »

Une étincelle de plus dans un climat social tendu

Cette tragédie survient dans un contexte déjà tendu en Tunisie. Le pays traverse une crise économique aiguë, avec un chômage endémique, une inflation galopante et une jeunesse désabusée. Les mouvements sociaux se multiplient, notamment dans les régions intérieures, souvent oubliées des politiques publiques.

L’effondrement du mur de Mazouna pourrait bien devenir un symbole de cette fracture profonde entre les discours officiels et la réalité vécue par de nombreux Tunisiens. Une fracture que la mort de trois lycéens a tragiquement mise en lumière.

Alors que les funérailles des victimes ont été célébrées dans la dignité et la douleur, une question demeure sur toutes les lèvres : combien de drames faudra-t-il encore pour que l’État prenne enfin au sérieux la sécurité des élèves tunisiens ?

Les manifestants, eux, ont déjà leur réponse : ils ne comptent pas se taire.